Travail de plateforme : indépendance ou salariat ?

Dans l’économie de plateforme, ce sont des plateformes numériques qui attribuent des mandats aux travailleur-euse-s. Il peut être difficile de savoir si ces personnes travaillent en tant qu’indépendant-e-s ou sont des employé-e-s. Cela peut dépendre de différents facteurs.

Je travaille depuis six ans en tant que coursier, avec mon propre véhicule. Les mandats me sont attribués à travers la plateforme numérique QuickQuickerQuickest (QQQ). Je n’ai pas d’autre employeur en dehors de QQQ.

Je trouve que les conditions de travail sont mauvaises. Je n’ai aucune garantie de recevoir des mandats chaque jour.

Les trajets jusqu’au lieu de travail sont parfois très longs et ne sont pas comptés comme du temps de travail.

Je ne reçois aucun défraiement pour l’utilisation de ma propre voiture, ni même pour le carburant.

C’est QQQ qui détermine les mandats qui doivent être réalisés, le lieu de travail et le tarif par minute. Ce tarif est très variable, et change parfois en peu de temps.

Un arrêt du Tribunal fédéral a attiré mon attention : les chauffeur-euse-s d’Uber doivent être considéré-e-s comme des employé-e-s et bénéficier de meilleures conditions de travail. Je me trouve dans la même situation que ces personnes. Est-ce que je peux obtenir le statut d’employé ?

Remo W.

Remo est effectivement à plaindre. Il n’est pas à même d’influencer le montant de son salaire, mais doit supporter tous les risques. Ce qu’il reçoit dépend entièrement des mandats que QQQ lui attribue et de la façon dont la plateforme le rémunère pour ceux-ci.

Travaillant en tant qu’indépendant, Remo n’a pas le droit de toucher une indemnité au chômage et s’il est malade, il ne gagne pas d’argent.

Critères pour une activité indépendante pas remplis

La situation professionnelle de Remo est comparable à celle d’un chauffeur d’Uber. Ce qui est typique, c’est qu’il dépend complètement de la plateforme QQQ.

Remo n’a pas constitué d’entreprise ou d’organisation au nom de laquelle il fournirait et facturerait ses prestations, et il n’est de ce fait pas considéré comme une « personne morale ». Ceci serait une condition importante pour être reconnu comme travailleur indépendant.

Enfin, pendant les six ans où il a travaillé pour QQQ, Remo a gagné chaque année bien plus que 26 000 francs. Avec un tel revenu, lui et son employeur aurait été obligés de cotiser à une caisse de pension s’il avait été employé, ce qui joue également un rôle dans l’évaluation de son statut.

L’arrêt Uber ne s’applique pas automatiquement aux autres plateformes

Remo ne remplit clairement pas les critères pour être considéré comme un indépendant, et ce serait une plaisanterie que de le traiter comme tel. Est-il donc automatiquement un employé ?

Malheureusement, tout n’est pas aussi simple. Il reste à voir dans quelle mesure l’arrêt du Tribunal fédéral dans l’affaire Uber aura des conséquences sur les rapports de travail sur d’autres plateformes. Pour le moment, l’arrêt du TF s’applique uniquement au Canton de Genève, mais la situation est proche dans le Canton de Vaud, où le Tribunal cantonal a rendu une décision similaire.

Voie juridique seulement avec du soutien

Si Remo souhaite être reconnu comme employé par son employeur, il devra emprunter la voie juridique. Nous lui déconseillons de le faire tout seul. Il perdrait immédiatement tous ses mandats et se retrouverait à ne s’occuper plus que de sa plainte.

Remo peut chercher de l’aide auprès d’une organisation de travailleur-euse-s, comme l’ont fait des chauffeur-euse-s d’Uber, et il peut gagner le soutien d’autres coursier-ière-s travaillant pour la même plateforme. Mais même dans ce cas, il devra s’assurer d’être en mesure de pouvoir faire un autre travail, car il ne bénéficie d’aucune protection contre la résiliation de son contrat de travail.

Le travail temporaire, une meilleure option

Dans tous les cas, la meilleure option de Remo est de chercher un autre travail. S’il ne souhaite pas d’emploi fixe, il peut essayer de trouver une plateforme avec des meilleures conditions de travail.

Encore mieux, il pourrait s’inscrire auprès d’un bureau de travail temporaire, pour travailler dans un secteur dans lequel il existe une convention collective de travail. C’est cela qui améliore nettement les conditions de travail des travailleur-euse-s temporaires par rapport aux travailleur-euse-s de plateforme indépendant-e-s.

Auteur-e

Legal Counseling

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