Pénurie de main-d’œuvre qualifiée : les obstacles sur le chemin vers la neutralité carbone

Pour effectuer la transition énergétique, il faudra construire et transformer de nombreuses infrastructures. Cela nécessitera de pouvoir accéder à suffisamment de main-d’œuvre qualifiée. Une tribune de Christian Zeyer, directeur de swisscleantech.

On ne le soulignera jamais assez : le changement climatique exige que nous transformions nos infrastructures, car c’est elles qui détermineront le fait que nous disposerons d’énergies renouvelables en suffisance et que nous les utiliserons de manière efficace.

Prenons l’exemple de l’énergie solaire : en 2022, des installations solaires produisant un total d’environ 900 mégawatt ont été posées sur nos toits. Si nous voulons atteindre les objectifs de l’accord de Paris sur le climat, ce chiffre doit au minimum doubler pour ces trois à cinq prochaines années. Il en va de même pour l’efficacité énergétique des bâtiments et pour le trafic : l’électrification des chauffages et des véhicules doit être accélérée.

Il faut de l’énergie humaine

On peut tourner la question dans tous les sens, il n’en reste pas moins que ces travaux doivent être effectués par des personnes. La pénurie de main-d’œuvre qualifiée n’est donc pas seulement un problème pour l’industrie manufacturière, mais aussi pour le secteur de la construction et des installations.

Une bonne planification et des systèmes de montage intelligents permettent certes de réaliser les projets dans le domaine de l’énergie solaire plus rapidement et avec moins de travail : cela permet de réduire les coûts, mais aussi de monter un plus grand nombre d’installations dans le même temps. Cependant, il faudra toujours des employé-e-s pour amener les panneaux solaires sur les toits, les installer et les brancher. Il n’est donc pas surprenant que l’industrie solaire soit désespérément à la recherche de plus de personnel qualifié. Swissolar, l’association des professionnel-le-s de l’énergie solaire, estime qu’il manque déjà près de 500 personnes dans le secteur. D’ici à 2035, le nombre de professionnel-le-s devra doubler et passer de 10'000 actuellement à 20'000, pour permettre l’installation de modules solaires sur la surface nécessaire à la transition énergétique.

Reconversions professionnelles et nouveaux apprentissages

Sans surprise, Swissolar a déjà mis en place des programmes pour former du personnel qualifié. Elle a commencé par proposer des cours à bas seuil, qui permettent par exemple à des réfugié-e-s ou à des personnes de faible niveau scolaire d’être rapidement capables d’effectuer des montages. À cela s’ajoutent des programmes de reconversion professionnelle, dans lesquels des travailleur-euse-s en provenance d’autres domaines sont formé-e-s à la planification et la réalisation d’installations solaires.

De plus, les nouveaux apprentissages pour le montage et l’installation solaires démarreront en automne 2024. L'attestation fédérale de formation professionnelle « AFP monteur/monteuse solaire » pourra être obtenue après deux ans d'apprentissage, et le certificat fédéral de capacité « CFC installateur/installatrice solaire » après trois ans de formation. Aujourd’hui déjà, les sociétés solaires peuvent proposer des stages d’initiation dans les deux nouvelles professions. 

Les emplois se transforment

La décarbonisation de notre économie occasionnera de grands changements, et les emplois se transformeront. On peut ainsi s’attendre à ce que, dans dix ans, les couvreur-euse-s ne posent plus de tuiles, mais bien des panneaux solaires. Les chauffages au mazout auront probablement disparu dans 20 ans. Les ramoneur-euse-s trouveront de nouveaux champs d’activités dans le nettoyage des ventilations ou dans l’énergie solaire. Des évolutions similaires se profilent également dans l’industrie automobile : les voitures électriques ont besoin de moins de réparations, et leur augmentation fera disparaître des places de travail dans les garages.

La transition énergétique nous pose de nombreux défis, mais elle offre également des opportunités. La Confédération doit aider les secteurs en transition. Il est réjouissant qu’elle finance déjà des programmes de reconversion professionnelle et qu’elle soutienne les associations dans l’effort visant à permettre à la future main-d’œuvre qualifiée d’accéder à ces nouveaux domaines de travail.

Les entreprises devront également faire leur part : les difficultés à recruter du personnel qualifié pour la construction sont en effet aussi liées à des conditions de travail souvent peu attrayantes.

Auteur-e

Christian Zeyer

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