Le bore-out, un cercle vicieux

Aussi appelé syndrome d’épuisement professionnel par l’ennui, le bore-out est bien plus que le simple fait de se tourner les pouces au travail. Il s’agit d’un état qui peut rendre sérieusement malade.

Quand je repense à mon service militaire, les premiers souvenirs qui me viennent à l’esprit sont : attendre, tirer, attendre, ramper, attendre, nettoyer le fusil, attendre. Un ennui profond se répandait en moi et j’essayais d’éviter toute activité. Pourtant, j’étais sans cesse fatigué, épuisé.

Selon la définition courante, ce que j’ai vécu au service militaire était un bore-out. S’il ne dure que quelques semaines, comme à l’armée, ce n’est pas très grave, mais s’il apparaît au travail, c’est bien plus dur : on ne peut pas quitter une place de travail si rapidement.

Le mélange vicieux de quatre éléments

Être en bore-out, c’est bien plus que s’ennuyer un peu ou même qu’être paresseux-euse. Philippe Rothlin et Peter R. Werder, les premiers à s’être penchés sur le bore-out dans les pays germanophones, distinguent quatre éléments qui, réunis, constituent un bore-out :

  • L’ennui
  • L’absence de défis
  • Le désintérêt
  • Les stratégies comportementales

Par ennui, on entend l’apathie et un état de désarroi, le fait de ne pas savoir quoi faire. L’absence de défis « décrit le sentiment de pouvoir accomplir plus que ce qui est demandé ». Le désintérêt se caractérise par un manque d’identification avec le travail.

Pourquoi les employé-e-s qui s’ennuient ne cherchent-ils/elles pas simplement un nouveau job, ou ne demandent-ils/elles à faire plus de travail ? Paradoxalement, c’est le contraire qui se produit : les personnes concernées développent des stratégies pour essayer d’en faire le moins possible.

Causes variées

Ce comportement s’explique dès lors qu’on se penche de plus près sur les causes du bore-out. En effet, les personnes touchées s’ennuient non pas parce qu’elles ne sont pas capables de se motiver elles-mêmes, mais bien à cause d’une série d’autres facteurs :

  • Ne pas avoir le bon travail
  • Le poste ne correspond pas à ce qui a été promis
  • Manquer de reconnaissance pour son travail
  • Avoir été déclassé-e
  • Considérer que son travail n’a pas de sens
  • Le travail est trop simple
  • La hiérarchie ne donne pas suffisamment de travail
  • L’existence dans l’entreprise d’une culture d’évitement du travail
  • Être victime de mobbing

Dans son livre Boreout – Biografien der Unterforderung und Langeweile (« Boreout – biographies d’un manque de défis et de l’ennui »), Elisabeth Prammer relate le parcours de personnes ayant fait un bore-out. Il ne s’agit absolument pas de personnes paresseuses, mais plutôt de personnes que les circonstances ou leurs supérieur-e-s empêchent de réaliser une bonne performance au travail. Pour le dire avec les mots de Rothlin et de Werder : « Les employé-e-s ont été rendu-e-s paresseux-euses. » 

Les stratégies d’évitement aggravent le bore-out

Dans leur livre Unterfordert (« Sans défi »), Rothlin et Werder listent toute une série de stratégies d’évitement que les personnes concernées mettent en place afin d’éviter le travail ennuyeux :

  • Accomplir le travail très rapidement mais le rendre au chef bien plus tard.
  • Étirer le peu de tâches à faire sur une longue période et paraître le-la plus stressé-e possible.
  • Simuler le fait d’être occupé-e sans l’être réellement.
  • Planifier les séances à l’extérieur de manière à ce que le retour au bureau ne vaille plus la peine.
  • Simuler du travail en produisant des bruits de clavier ou d’écriture.

De cette manière, les personnes touchée par ce syndrome s’enfoncent de plus en plus dans le bore-out. Bien qu’ils/elles ne fassent rien ou pratiquement rien au travail (ou se trouvent d’autres occupations, comme les jeux en ligne), ils/elles ne sont pas heureux-ses. Ils/elles ne peuvent pas profiter du fait de ne rien faire et ont mauvaise conscience, le temps ne passe pas, ils/elles sont dans l’ennui extrême et deviennent apathiques. Le soir, ils/elles sont souvent plus épuisé-e-s qu’après une journée de travail éprouvante.

 

Même symptômes qu’un burn-out

« Par manque de défis, on finit par complètement perdre sa créativité », dit une personne interviewée par Elisabeth Prammer. « Il ne reste plus que le vide. »

Il n’est pas surprenant que les expert-e-s du bore-out attribuent aux personnes concernées les mêmes symptômes que ceux du burn-out. Le bore-out peut lui aussi causer insomnies et dépressions, les personnes concerné-e-s devenant prisonnier-ère-s d’émotions négatives.

La motivation comme seule issue

Si elles ne sont pas paresseuses, pourquoi les personnes touchées par un bore-out n’essaient-elles pas de se sortir de cette impasse par tous les moyens ? Selon Elisabeth Prammer, elles essayent bel et bien, mais échouent souvent et finissent par abandonner. La plupart des personnes interviewées avaient signalé à leur hiérarchie qu’elles manquaient de défis et communiqué leur souhait d’avoir plus de travail, mais pour différentes raisons ces demandes n’ont abouti à rien. Parfois, le/la supérieur-e était lui/elle-même touché-e par un bore-out, ou alors il/elle n’était pas disposé-e à déléguer du travail. Dans certaines entreprises, il existe une culture de l’évitement du travail.

Puisqu’un bore-out peut causer une grande souffrance, les personnes concernées doivent aussi essayer de sortir du cercle vicieux, ce qui nécessite selon Rothlin et Werder une grande part de responsabilité individuelle et d’auto-motivation. L’article « Motivation – quel est notre moteur ? » te donnera des pistes pour y parvenir.

Auteur-e

Hansjörg Schmid

Hansjörg Schmid

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